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Se battre avec abnégation pour nos acquis

juin 14, 20220

Les mouvements féministes peuvent s’accorder sur un triste constat : si la fin du 20ème siècle fit notablement avancer les droits des femmes, le début du 21ème siècle peine à continuer le combat. Si le fait de stagner est frustrant, le pire est que nous devons sans cesse nous battre pour nos acquis. Depuis le début de l’année, la cour suprême américaine nous tient en haleine : va-t-elle, comme le prédisent les médias locaux, annuler l’arrêt fondateur du droit à l’avortement ? Si oui, les états pourront librement décider d’interdire l’avortement. La jurisprudence qui garantit le droit à l’interruption volontaire a été établie en 1973. En 2022, les Etats-Unis sont sur le point de revenir en arrière. Sans cesse, nous devons nous battre pour nos acquis et ceux de nos filles.

Si l’actualité américaine résonne autant chez nous, c’est pour plusieurs raisons. Premièrement, les Etats-Unis sont souvent présentés comme le pays « où tout est possible », le pays des libertés. Il suffit cependant de se pencher sur leur histoire pour se rendre compte que les libertés n’existent pas pour toustes dans ce pays, mais ceci est un autre débat. C’est bien la proximité entre notre culture et celle de l’Amérique du Nord qui rend leur potentielle décision encore plus effrayante pour nous. Il n’est pas difficile pour nous de nous identifier à l’actualité américaine, d’autant plus que l’UDC récolte actuellement des signatures pour deux initiatives visant à compliquer l’accès à l’avortement en Suisse. La première initiative demande d’introduire un délai réflexif d’un jour avant de procéder à l’avortement. Comme si les femmes allaient avorter de gaieté de cœur et sur un coup de tête… C’est indécent de traiter encore les femmes comme des écervelées incapables de prendre des décisions éclairées pour leur propre corps. La deuxième initiative s’oppose aux avortements dits « tardifs ». Pour qu’un avortement tardif (après 12 semaines) soit possible en Suisse, il faut qu’il y ait un danger physique grave pour la femme ou une détresse émotionnelle grave. Si cette initiative se targue de sauver des vies, elle rate sa cible. Une femme dont l’intégrité physique est en danger n’a aucunement besoin qu’on lui mette encore plus de bâtons dans les roues. Elle a besoin d’un soutien psychologique afin de traverser cette épreuve, mais cela les initiants ne le comprennent pas.

Les militantes féministes sommes habituées à nous battre pour défendre nos acquis. Nous sommes prêtes pour cette nouvelle bataille, si les initiatives aboutissent. Car l’avortement n’est plus aujourd’hui une question d’éthique, il s’agit d’une question de santé publique. Nous continuerons à avorter, même si cela est interdit, par contre nous le ferons dans des conditions insécures et non respectueuses de nos corps. Nous nous battrons, pour nos filles. Néanmoins, il faut admettre que cette lutte est pesante. En ce 14 juin 2022, je souhaite tirer mon chapeau à toutes celles qui porte cette charge mentale de la lutte. À toutes celles qui prennent du temps pour défendre nos acquis. Du temps pris sur leurs vies déjà remplies. Du temps qu’elles mettraient volontiers à profit pour autre chose. Parce qu’être une militante féministe n’est pas un hobby mais plutôt un fardeau : merci vous toutes !

Sarah Constantin

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